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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/256

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LE ROI VIERGE

descendit dans la beauté sinistre des enfers, où les Virgiles mènent par la main les Dantes, et s’envola dans la clarté paradisiaque où sont les Béatrix. Les larmes tragiques des amoureuses, il les pleura en lisant Schiller ; le front sur le livre de Gœthe, il murmurait, pour quelque fiancée inconnue, les paroles d’Hermann à Dorothée, le soir, dans la venelle qui descend le coteau. Oh ! maintenant, il ne voulait plus rester solitaire et morose ! Puisque c’était de ces joies et de ces douleurs plus belles que des joies, et de ces amours et de ces gloires, qu’était faite ici-bas la vie, il oserait vivre, lui aussi ! Comme les héros des chers poëmes, il triompherait dans les combats où les armures étincellent au soleil, et il aimerait les pures et fières demoiselles que l’on voit aux fenêtres des châteaux, un peu penchées, comme de grands lys ! Oui, aimer, aimer surtout ! Et un matin, voyant venir à lui, sous des lilas en touffes d’où pleuraient des rosées, Lisi toute rose et blanche, avec son rire et son odeur de printemps, il courut à elle en lui tendant les bras et en criant : « Je t’aime ! » Et Lisi : « Moi, je t’aimais, » répondit-elle.

C’était vrai, elle l’aimait, depuis bien des