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LE ROI VIERGE

courir, mon jeune monsieur, car vous êtes tout essoufflé. C’est égal, vous arrivez trop tard.

— Trop tard ? répéta-t-il, comme hébété.

— Oui, trop tard. Voyez, tout le monde revient. C’est fini.

— Fini ? Quoi ?

— La Passion.

— Où donc suis-je ?

— Vous ne le savez pas ? À Oberammergau, mon jeune monsieur.

Il baissa la tête, vaincu. Une fois de plus il voyait l’envers du rêve. Le seul nom de cette bourgade, qu’il connaissait bien, avait suffi à lui révéler l’absurdité de sa nouvelle chimère.

Oberammergau, dans un pli verdoyant des Alpes thuringiennes, avec ses chalets ouvragés, peints çà et là de Jésus parmi les docteurs et de Fuites en Égypte, est un petit village où des paysans qui sont des artistes sculptent dans le buis et le frêne des Josephs, des vierges Marie, et des Napoléons premiers, jolis comme des joujoux ; et ces paysans sont aussi de religieux acteurs qui représentent, tous les dix ans, sur un théâtre ayant le vrai azur pour bandes d’air