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LE ROI VIERGE

mouvement patelin de ses deux mains très longues.

Brusquement, il eut une quinte de toux ; il cracha son cigare mâché dans le verre de champagne qui était devant lui, — non pas une flûte ni une coupe, mais un grand verre à pied. La liqueur du tabac mouillé se mêla vilainement au vin. Alors une des jeunes filles, — la plus jolie, seize ans, laissant voir sous la mousseline l’adolescence délicate de sa gorge, — s’élança, saisit le verre, en retira le cigare, et le mit passionnément dans son corsage, entre ses seins, triomphante ! L’homme n’eut point l’air de trouver ceci très étrange ; il sourit plus indulgemment encore, et, avec un air de dire : « enfant ! » il donna, du revers de la main, deux petites tapes sur la joue de la jeune fille, toute rose de joie.

C’était l’abbé Glinck.

Jeune, il avait été pianiste et homme à bonnes fortunes ; il avait poussé la virtuosité digitale à un degré presque fantastique, et la fatuité personnelle jusqu’à dire à une ambassadrice qui venait de ramasser entre les deux pédales le mouchoir dont il avait essuyé ses doigts en sueur : « Vous pouvez le garder, madame ! » L’âge