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LE ROI VIERGE

l’alcôve. Le roi avait les yeux fermés ; il dormait, d’un sommeil plein de cauchemars, sa face se crispait affreusement, il se mordait les lèvres, une sueur lui coulait des tempes. En même temps, des paroles étranges, que des râles courts entrecoupaient, lui sortaient de la gorge, par brusques jaillissements, comme une liqueur s’échappe d’un goulot obstrué.

— Non, jamais, jamais, je ne veux pas ! Les femmes sont le péché et la honte. Celles qui ordonnent comme celles qui supplient. Infâmes, hideuses, toutes ! Ah ! la chair sur la chair, c’est le fumier sur le fumier. Le sexe est la plaie purulente des êtres. Même vivants, les corps sont pleins de grouillements de vers. Le baiser n’est que la fleur de la pourriture ! Qu’elles meurent toutes, celles qui veulent qu’on aime ! Moi aussi, mourir… sortir de la vie, secouer toute cette boue… Mais dans l’agonie même l’ignominie humaine persiste. L’homme crève comme un animal. Oh ! s’éteindre comme un Dieu, dans la joie de sentir sa vile chair martyrisée, dans l’orgueil de châtier son corps coupable, puis renaître, libre des sales entraves, parmi les puretés