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GLORIANE

poussiéreuses de quelque passant, ou pour écouter les histoires que se racontaient les cochers, groupés, le fouet à la main, devant leurs énormes fiacres. Il connut ce délice de la paresse : le rêve ! Les tendresses de l’adolescence faillirent le rendre bon. Deux choses attiraient ses yeux souvent : une grande affiche de théâtre, jaune, aux grandes lettres noires, placardée sur le mur de l’hôtel, et, de l’autre côté de la place, une boutique de coiffeur où se frisaient des perruques, où pendaient des nattes longues, entre lesquelles tournaient incessamment deux bustes de femmes, blancs et roses, très décolletés. Le théâtre ! les femmes ! En regardant l’affiche de ses yeux écarquillés, il voyait s’animer, remuer, se transformer les caractères. Bien qu’il ne fût jamais entré dans une salle de spectacle, il s’imaginait, d’après des choses qu’on lui avait dites, les quinquets, des lustres, les plafonds peints, des toilettes dans les loges, et, sur la scène, entre les décors lumineux, des formes vagues, éloignées, levant des bras d’où pendaient des franges, ouvrant des bouches d’où sortaient des musiques, — plus que des hommes, des dieux peut-être ! À ces illusions se mêlaient des réminiscences, reste des leçons