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LE ROI VIERGE

arcade, une boutique vivait ; c’était celle d’un barbier, pleine d’un tumulte de gestes et de voix bavardes. Là, sans doute, se résumait tout le mouvement de la ville ; Brascassou se promit d’observer cette boutique. Il continua d’errer par les rues silencieuses, mornes, que traversait rarement une servante, le seau de cuivre sur la tête.

Il fit halte, presque aveuglé.

Il avait devant lui, en plein soleil, une vaste et prodigieuse rougeur, chaude, puissante, intense, qui lui éclaboussait les yeux comme d’une soudaine effusion de sang ; cela ressemblait à un champ écarlate d’une récente hécatombe, ou à une plaine tout empourprée de pivoines ; l’idée venait d’un carnage en fleurs.

Brascassou regarda mieux.

C’était un marché encombré, par amas hauts et larges, de ces gros piments rouges qui sont la nourriture principale des pauvres dans l’Espagne du nord. Derrière l’étagement des fruits, des vendeuses en guenilles se tenaient assises, et des ménagères rôdaient çà et là, s’arrêtant quelquefois, marchandant, jacassant ; mais toutes les couleurs, — les bruits même aurait-on dit, — se