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GLORIANE

aromes, ces feux épars, étaient les vêtements tombants de la Frascuèla, qui riait, demi-nue.

Après un instant de trouble causé par le brusque passage de l’ombre à la lumière, Brascassou vit mieux les choses. Il se trouvait dans une chambre étroite, tendue d’oripeaux écarlates où s’allumaient des paillons ; des lambeaux de satin, çà et là, bleus, roses, verts, s’accrochaient aux murs, traînaient sur le tapis, sans raison, sans utilité visible, pour être des couleurs. Quelque chose comme une palette d’étoffes. Un coin de prairie artificielle, fantasquement épanoui. D’ailleurs, loques, clinquants, paillettes. Mais l’étincellement furieux de vingt bougies entre des cristaux qui devenaient des flammes, faisait chatoyer les soies, pétiller les dorures ; et la Frascuèla, blanche et grasse, éclatante hors de son peignoir tombé, sous l’enveloppement de ses cheveux fauves, — affolée, ivre peut-être, car, en reculant un peu dans un mouvement qui chancelle, elle s’appuyait au goulot d’une bouteille qui roula sur la table, — la Frascuèla, couleurs, odeurs, chaleurs, imposait par le miracle vrai de sa beauté une réalité de luxe et de joie à la chimère du décor.