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Page:Mendès - Les 73 journées de la Commune, 1871.djvu/276

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LES RÉFRACTAIRES.

Que les temps sont changés ! Le Comité de salut public et le Comité central de la garde nationale s’entendent pour rendre la vie dure aux pauvres réfractaires. Je ne parle pas des désarmements qui n’ont en soi rien de désagréable, puisque en somme un homme désarmé peut nourrir le doux espoir qu’on ne l’enverra pas à la bataille. Il y a pis que cela et je ne demanderais pas mieux que d’avoir quatre-vingts ans, pendant un mois ou deux. Les visites domiciliaires sévissent étrangement : quatre gardes nationaux entrent chez le premier bourgeois venu, lui expliquent poliment, ou de toute autre façon, qu’il est de son devoir strict d’aller dans les tranchées de Vanves et de tuer le plus de Français qu’il pourra. Si le bourgeois résiste, on l’emporte en lui annonçant que, vu sa résistance, il aura l’honneur d’être mis au premier rang de sa compagnie dans la prochaine affaire. Quelquefois ces visites donnent lieu à des rixes. On raconte que, rue Oudinot, un jeune homme a reçu un coup de baïonnette dans le ventre parce qu’il résistait à un farouche caporal ; et, comme on ajoute que les faits de cette espèce ne sont pas rares, les réfractaires ne jouissent plus de toute leur tranquillité d’âme. Un rien les épouvante ; ils observent avec terreur la grimace de leur concierge, qui est de la Commune peut-être. Coucher dans son lit ? Il n’y faut plus penser. C’est justement pendant les heures nocturnes que les agents de la Commune se livrent à leurs perquisitions. Cette nécessité de changer de domicile et d’en changer souvent a fait éclore une industrie nouvelle, ou du moins a permis d’ajouter un perfectionnement à une industrie ancienne : sur les cartes des petites dames complai-