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Page:Mendès - Les 73 journées de la Commune, 1871.djvu/301

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LE DRAPEAU ROUGE.

ments à la toiture ; un instant il a chancelé comme pour tomber. Les malades, les infirmiers, les gardes, se son enfuis de toutes parts, hurlant, en démence, et çà et là, des chevaux ensanglantés, échappés des écuries, se cabraient devant les fuyards, ou galopaient emportés par le vertige de la peur.

Quant à la cause de l’explosion, les opinions varient. Les uns l’attribuent à la négligence des employés, à l’imprudence des ouvrières, d’autres croient que le feu a été mis par un obus. Une femme arrive en courant ; elle annonce qu’on vient d’arrêter dans une baraque du Champ-de-Mars un homme qui s’y cachait ; il a avoué qu’il a fait sauter la poudrière par ordre du gouvernement de Versailles. Eh ! sans doute, je m’attendais à cela. La Commune profitera de ce malheur pour attribuer un crime à ses ennemis. On arrêtera quelques innocents qui passaient par là, on les jugera tant bien que mal, on les fusillera, et, quand ils ne seront plus que des cadavres, on dira : « Vous voyez bien qu’ils étaient coupables, puisqu’ils sont morts ! »

Cependant le soir vient. Je m’éloigne. Je songe que c’en est trop enfin, que trop de colères s’appesantissent sur la cité, que c’était bien assez de la défaite et de la guerre civile, de l’infamie et de la mort, que ceci outrepasse la justice des châtiments. Par instants je me détourne et regarde encore. Maintenant, dans l’ombre, la flamme est rouge : on dirait que la Commune arbore son drapeau sur ce désastre démesuré.