bataille. Ils sont mornes, en loques, poudreux.
— Que se passe-t-il ?
— Nous sommes trahis ! dit l’un.
— Mort aux traîtres ! dit un autre.
Du champ de bataille, aucune nouvelle certaine. Un fuyard, attablé devant un café entre quelques curieux, raconte que la barricade du pont de Neuilly a été attaquée par des sergents de ville déguisés en gendarmes, et par des zouaves pontificaux précédés d’un drapeau blanc.
— Un drapeau de parlementaire ? demande quelqu’un.
— Non, un drapeau de royaliste, répond le garde.
— Et la barricade a été prise ?
— Nous n’avions pas de cartouches ; on n’avait pas mangé depuis seize heures ; il a fallu décamper.
Plus loin, un lignard m’affirme que la barricade a été reprise ; le canon tonne toujours : c’est, dit-on, le Mont-Valérien qui tire sur la caserne de Gourbevoie, où il y avait hier un bataillon de gardes nationaux fédérés.
— Mais ils sont partis avant le jour, ajoute le lignard.
Je continue mon chemin ; les groupes deviennent de plus en plus nombreux ; je lève la tête, je vois éclater une boîte à mitraille au-dessus de l’avenue de la Grande-Armée. Une fumée blanche subsiste pendant quelques secondes ; on dirait d’un lambeau de nuage détaché par le vent.
Je vais toujours en avant. La hauteur sur laquelle pose l’Arc-de-Triomphe est couverte de curieux : beaucoup de femmes et d’enfants. On grimpe sur les bornes, on s’accroche aux saillies du monument, on se retient aux sculptures des bas-reliefs. Un homme a imaginé de