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LES OISEAUX BLEUS

dans un lit ni mangé à une table ; les personnes qui logent dans des maisons ou dînent devant des nappes n’étaient pas de leur famille ; même ils n’avaient pas de famille du tout. Petits, si petits qu’ils parlaient à peine, ils s’étaient rencontrés sur une route, elle sortant d’un buisson, lui sortant d’un fossé, — quelles méchantes mères les avaient abandonnés ? — et tout de suite ils s’étaient pris par la main, en riant. Il pleuvait un peu ce jour-là ; mais, au loin, sous une éclaircie, la côte était dorée ; ils avaient marché vers le soleil ; depuis, ils n’eurent jamais d’autre itinéraire que de s’en aller du côté où il faisait beau. Certainement, ils seraient morts de soif et de faim, si des ruisseaux ne coulaient dans les cressonnières et si les bonnes femmes des villages ne leur avaient jeté de temps en temps quelque croûte de pain trop dure pour les poules. C’était une chose triste de les voir si chétifs et si pâles, ces enfants vagabonds. Mais un matin, — grandelets déjà, — ils furent très étonnés, en s’éveillant dans l’herbe au pied d’un arbre, de voir qu’ils avaient dormi la bouche sur la