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LES OISEAUX BLEUS

sans, et même parmi les gens du commun ; au lieu de se souhaiter le bonjour, on s’abordait en disant : « A-t-il mangé, ce matin ? » Et personne n’était aussi anxieux que le roi lui-même. Ce n’était pas qu’il eût une grande affection pour son fils ; ce jeune homme lui donnait toutes sortes de mécontentements ; bien qu’il eût seize ans déjà, il montrait la plus grande aversion pour la politique et pour le métier des armes ; lorsqu’il assistait au conseil des ministres, il bâillait pendant les plus beaux discours d’une façon très malséante, et une fois, chargé d’aller, à la tête d’une petite armée, châtier un gros de rebelles, il était revenu avant le soir, son épée enguirlandée de volubilis et ses soldats les mains pleines de violettes et d’églantines ; donnant pour raison qu’il avait trouvé sur son chemin une forêt printanière, tout à fait jolie à voir, et qu’il est beaucoup plus amusant de cueillir des fleurs que de tuer des hommes. Il aimait à se promener seul sous les arbres du parc royal, se plaisait à écouter le chant des rossignols quand la lune se lève ; les rares personnes qu’il lais-