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LA TIRE-LIRE

le fossé du chemin ; elle le rapiéçait de feuilles vertes, chaque printemps ; comme elle était jolie et fraîche, avec des joues fleurissantes, vous auriez pris cet habit pour la feuillaison d’une rose. Pour ce qui était de sa nourriture, elle n’en connaissait guère d’autre que les avelines du bois et les sorbes de la venelle ; son grand régal était de manger des sauterelles grillées à point sur un petit brasier d’herbes sèches. Vous voyez bien que Jocelyne était la créature la plus misérable que l’on puisse imaginer, et si son sort était déjà bien cruel durant la belle saison qui met de la chaleur dans l’air et des fruits aux arbustes, pensez ce qu’il devait être quand la bise saccageait les noisetiers stériles et lui gelait la peau à travers ses loques de feuilles mortes.

Une fois, comme elle s’en revenait de sa cueillette d’avelines, elle vit une fée, toute habillée de mousseline d’or, sortir d’entre les verdures d’un épinier ; la fée parla d’une voix plus douce que les plus douces musiques :

— Jocelyne, parce que tu as le cœur aimable autant que ton visage est charmant, je veux te