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LES MOTS PERDUS

se regarder dans les yeux, c’était pour prendre plaisir aux plus aimables divertissements : des gnomes habillés de satin zinzolin, des formoses vêtues de la brume des lacs, formaient devant eux des danses que rythmaient d’invisibles orchestres, tandis que, dans des corbeilles de rubis, des mains volantes, qui n’avaient point de bras, leur présentaient des fruits de neige, parfumés comme une rose blanche et comme un sein de vierge ; ou bien, pour lui plaire, il lui récitait, en pinçant les cordes d’un théorbe, les plus beaux vers que l’on puisse imaginer. Toute fée qu’elle était, elle n’avait jamais connu de joie comparable à celle d’être chantée par ce beau jeune homme qui inventait chaque jour de nouvelles chansons, et elle se mourait de tendresse à sentir, quand il se taisait, le souffle d’une bouche toute proche lui courir dans les cheveux. Et c’était, après tant de jours de bonheur, des jours de bonheur, sans cesse. Cependant, elle avait quelquefois des rêveries moroses, la joue sur une main, les cheveux lui tombant en ruisseau d’or jusqu’aux hanches. « Ô reine ! qu’est-ce