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LA BELLE AU CŒUR DE NEIGE

il se gorgeait dans sa hutte en poussant de grands cris de joie. De sorte que ce méchant homme fut plus heureux que beaucoup d’honnêtes gens, tant qu’il passa des voyageurs dans sa forêt. Mais elle eut bientôt si mauvaise renommée que des gens même très hardis faisaient de longs détours plutôt que de la traverser ; le bûcheron chôma. Durant quelques jours, il vécut tant bien que mal du reste de ses anciennes ripailles, rongeant les os, égouttant dans sa tasse le fond des bouteilles mal vidées. C’était un maigre régal pour un affamé et pour un ivrogne tel que lui. La rigueur de l’hiver mit le comble à son infortune. Dans son repaire, où soufflait le vent, où neigeaient les flocons, il mourait de froid, en même temps que de faim ; quant à demander secours aux habitants du proche village, il n’y pouvait pas songer, à cause de la haine qu’il s’était attirée. Vous pensez : « Pourquoi ne faisait-il point de feu avec des fagots et des broussailles sèches ? » Eh ! parce que le bois, comme les feuilles, était si pénétré de gel, qu’il n’y avait pas moyen de l’allumer. On peut supposer