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LES OISEAUX BLEUS

l’air sale, les pieds dans la fange, la jupe dans la fange, accroupie, elle imitait, à elle seule, toute la gaieté, toute la gloire épanouie de la fête. Elle recevait et lançait, en une seule églantine fanée, les mille bouquets de la fraîche bataille, et elle s’amusait, et elle riait, et elle avait, cette enfant de voleuse et de voleur, cette mendiante, cette loqueteuse, — tandis que l’homme et la femme, penchés au-dessus des verres rouges, complotaient quelque mauvais coup, — elle avait, plus sincère, au cœur et aux lèvres, toute la joie des belles mondaines échangeant des mitrailles épanouies. Bientôt elle rentrerait dans quelque bouge puant, obscur, où l’on dort mal, pendant les querelles avinées du père et de la mère. Mais, n’importe, elle aurait eu, la petite misérable, l’illusion, un instant, d’être heureuse comme tant de magnifiques dames. Et c’était, je le pensai, par la pitié du destin, que l’églantine rose, presque en bouton encore, avec une longue tige épineuse, était tombée d’une main maladroite, parmi la boue, dans l’herbe.