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LES OISEAUX BLEUS

c’est là dedans qu’il mit la fleur, résolu à ne jamais la regarder ; il voulait éviter les tentations. Il n’aurait pas commis la faute, lui, de lever les yeux vers les jeunes filles des fenêtres, ou de suivre les belles passantes, aux regards allumés, aux lèvres folles. Raisonnable, méthodique, s’inquiétant des choses sérieuses, il se fit marchand, gagna de grosses sommes. Il n’avait que du mépris pour ces étourdis qui passent le temps en fêtes, sans avoir souci du lendemain ; quand l’occasion s’en présentait, il ne manquait pas de leur faire de belles semonces. Aussi était-il fort considéré par les honnêtes gens ; on s’accordait à le louer, à l’offrir en exemple. Et il continuait de s’enrichir, travaillant du matin au soir. À vrai dire, il n’était pas heureux comme il eût voulu l’être ; il songeait, malgré lui, aux joies qu’il se refusait. Il n’aurait eu qu’à ouvrir la petite boîte, qu’à jeter un pétale au vent, pour aimer, pour être aimé ! Mais il refrénait tout de suite ces velléités dangereuses. Il avait le temps ! Il connaîtrait la joie, plus tard. Il serait bien avancé, quand sa mar-