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LES OISEAUX BLEUS

nous nous sommes battus, et mon rival m’a tué.

— Où vas-tu ? reprit-elle.

— Je vais à la ville, dans le logis où dort ma bien-aimée.

— Tu lui feras grand’peur ! Penses-tu qu’elle t’aimera mort, toi qu’elle n’aima point vivant ? Viens avec moi, qui t’ai choisi ; je te ferai de mon lit un tombeau nuptial ; je m’y endormirai pour toujours auprès de toi et nous aurons de belles funérailles.

— Non. Cette nuit, profitant du sommeil de ma bien-aimée, je veux lui dire adieu dans ses rêves ; je baiserai, sur ses lèvres endormies, le songe de sa chanson.

— Permets du moins que je t’accompagne ; laisse-moi monter en croupe auprès de toi !

— Ce n’est point la coutume des fantômes d’aller visiter leurs bien-aimées avec une femme en croupe.

Et la forme s’évanouit. La fille du roi pleurait, plus désespérée encore. Comme il était minuit passé, la lune, mélancoliquement, argentait l’horizon, les champs, la route, d’une