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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/20

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MÉPHISTOPHÉLA

Mais la baronne Sophor d’Hermelinge ne ressemble ni aux tristes filles d’amour qui demandent au baiser femelle la revanche de la virile injure ; ni aux mondaines distraites, oublieuses bientôt du plaisir que peut-être elles n’ont pas eu ; ni aux belles extravagantes, buveuses de luxure dans toutes les coupes où elle mousse.

Et l’on s’étonne d’elle, en s’alarmant.

On est en présence d’un monstre qui va jusqu’à la perfection dans la monstruosité. Elle est, dans le mal, sans défaillance ; son péché ne fait jamais de faute ; elle est irréprochable ; c’est ce qui produit l’épouvante. « Homo sum ! » s’écrie la Messaline de Juvénal ; avec raison ! puisque ce sont des mâles qu’elle espère dans la logette des prostituées de Suburre. Mais la femme qui se virilise définitivement, se déshumanise.

Imperturbable, hautaine, officielle, dirait-on, la baronne Sophor d’Hermelinge, en sa fixité sinistre, en sa pâleur de morte mal ressuscitée, est l’impératrice blême d’une macabre Lesbos.

De son attitude, de la légende abominable qui la suit, se dégage l’idée d’un crime continu, méthodique, sans emportement, qui ressemble à l’exercice d’une fonction, à l’accomplissement d’un devoir. Il semble qu’elle ne veut pas son vice, qu’il lui est indifférent, odieux même, mais