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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/206

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MÉPHISTOPHÉLA

que, dans la crainte d’un sacrilège, elle n’avait osé s’y résoudre. Et Emmeline avait eu raison de s’enfuir ; comme un dieu déserterait un autel où on ne sait pas le prier.

Un instant, Sophie songea à une étrange similitude : elle était maintenant abandonnée, comme le baron Jean avait été délaissé. Emmeline s’échappait ainsi que Sophie s’était évadée. Chacune d’elles avait fui de même un lit différent ; et du rut trop violent de l’époux, de l’inactif désir de l’amie, résultait, dans une pareille solitude, le même désespoir.

Mais tout cela n’importait guère. Ce qui importait, c’était de reprendre Emmeline. Ah ! par exemple, une chose qu’elle savait, c’était qu’elle la voulait, heureuse ou non ; et elle l’aurait. Partie ? elle la suivrait. Oui, elle irait à Fontainebleau. La mère ? le frère ? bon, voilà des gens de qui elle se souciait peu. Emmeline, il n’y avait pas à dire le contraire, était à elle, n’était qu’à elle. On ne peut pas empêcher quelqu’un de ressaisir ce qui lui appartient. Elle possédait Emmeline, depuis le mariage dans le hamac, depuis toujours. La famille ? des voleurs. « J’arriverai, je dirai : ça ne me regarde pas, ce que vous pensez, ou ce que vous ne pensez pas ! » et elle prendrait sa chérie par le bras, et elle