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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/225

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MÉPHISTOPHÉLA

de savoir. D’ailleurs, elle est très discrète. Elle voit que je suis bien habillée, que je ne manque de rien, ça lui suffit, elle est contente, elle ne demande rien de plus. Seulement, elle me dit quelquefois : « Tu n’as pas oublié de payer les contributions ? » Payer les contributions, régulièrement, elle prétend que c’est indispensable, que c’est signe qu’on a l’esprit d’ordre. Ma mère a cette manie-là : l’ordre. Des manies, c’est naturel, à son âge. Elle ne m’appelle jamais Magalo, elle. Non, Tasie. Mais pour les autres Magalo. Un drôle de nom, pas ? il me vient d’une petite camarade que j’avais au grand concert Parisien. Ce qu’elle m’en a fait voir, celle-là ! Croiriez-vous que, quand j’étais dehors, la nuit, elle venait s’installer chez moi, avec toute une bande de musiciens de son orchestre ? Une fois, rentrée à la maison à dix heures du matin, je me couche, qu’est-ce que je trouve dans le lit : une boîte à violon. Comme elle chantait toujours : « Ô Magali, ma bien-aimée ! » on l’avait surnommée Magali, et moi, Magalo. Tiens, continua la bavarde, en venant s’asseoir en face de Sophie, je n’avais pas remarqué, tout à l’heure. Vous avez quelque chose d’elle, vous. Oui, dans le front, et dans le nez. Pas dans la bouche. Votre bouche est plus jolie, plus fraîche. Vous êtes toute jeune. Dix-neuf ans. Peut-être moins. Moi, j’ai