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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/27

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MÉPHISTOPHÉLA

comme font les jeunes femmes devant la glace. Elle ne se mire pas, elle se constate.

Puis, sa toque et sa veste ôtées, elle se retourne et s’étend sur un sopha, long, dur, sans coussins, de bois blanc presque fruste, avec des ornements de bronze, un sopha emprunté au décor des tragédies et où abonde le mauvais goût d’une peau de léopard ; le coude au dossier, ses pieds hors des bottines dont, de l’orteil, elle a poussé le talon, la baronne Sophor d’Hermelinge a l’air de rêver.

Rêve-t-elle ?

À sa gloire ?

Car, dans la ville à qui l’on reconnaît l’habitude de s’étonner rarement, c’est une gloire enfin que d’être un objet quotidien de surprise et d’épouvante. Ce Paris, toutes les grandeurs et toutes les vilenies, toutes les sciences du bien et du mal, n’accorde que peu fréquemment sa curiosité ; et l’on vaut quelque chose quand on mérita qu’il vous considère avec stupeur. Être exceptionnel à Gomor ou à Sédôm aurait de quoi chatouiller la vanité même d’Héliogabale ou du divin Marquis. Elle rêve sans doute, l’effroyable et morne triomphatrice, à toute cette popularité autour d’elle, faite d’indignation et d’outrage, tumultueuse et sale comme un océan