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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/298

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MÉPHISTOPHÉLA

elle est contente d’être une épouse ! et sans toi elle n’en serait pas une. C’est toi qui l’as mise au lit de son mari. Va-t’en ! je te hais ! oui, je te hais, à cause de mon désir pour toi, à cause des plaisirs que je t’ai dus, à cause surtout des plaisirs que je t’ai donnés, puisque je sais, par eux, ce qu’elle éprouve aussi, Emmeline, avec un autre !

Menaçante, Sophie marchait sur Magalo.

Mais celle-ci ne se détournait pas, ne s’effrayait pas de cet emportement, ne s’irritait pas de ces injures. Elle pleurait par petits sanglots, voilà tout, et, n’ayant de tristesse qu’à cause de la douleur de son amie : « Ah ! mon Dieu, ah ! mon Dieu, disait-elle, mon bébé, ma chérie, comme tu souffres ! » Même elle aurait bien voulu que Sophor la battît, lui enfonçât les ongles dans le cou, lui déchirât tout le corps, parce que, maltraiter quelqu’un, ça soulage quand on est en colère ; c’est meilleur encore que de casser les meubles ou de briser des porcelaines. D’ailleurs, il se mêlait peut-être à son abnégation un peu de ruse, mais de si tendre ruse. Pour faire du mal aux gens, il faut les toucher, n’est-ce pas ? et elle savait bien que Sophor, la touchant, ne resterait pas longtemps de mauvaise humeur. Ah ! dame, on se connaît. On sait ce qu’on vaut. Une