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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/337

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MÉPHISTOPHÉLA

rien, qui veut tout ce qu’on veut. Ses enragements de gamine, elle les avait encore à l’égard des autres gens : elle rudoyait les matelots, gourmandait le capitaine ; mais, avec Mme d’Hermelinge, sa douceur était pareille à l’humilité d’une tendre servante. Une défaite l’avait convaincue de l’inutilité des victoires ; elle se plaisait dans une déchéance qui lui avait été si aimable, regardait son amie, sa triomphante amie, avec des yeux chargés d’une reconnaissance qui désire d’autres motifs de gratitude : toujours se frôlant à Sophor, pareille à une petite chatte amoureuse, ronronnante, qui rentre, en miaulant, les griffes. Et, les nuits dans la cabine, elles ne se querellaient plus, ne se repoussaient plus ; la victorieuse, par la toute-puissance du plaisir, la tenait comme on a dans la main un oiseau que l’on étoufferait si on serrait un peu plus fort. Mais, pour avoir été matés, les puérils orgueils de Marfa, au fond d’elle, n’avaient pas abdiqué ; et plus sauvages, plus acerbes au contraire d’être obligés à tant de soumission, ils s’échappèrent en furieuses jalousies. Si absurde que fût ce soupçon, elle s’imagina que Sophor avait regardé trop tendrement le pilote du yacht, un jeune gars normand toujours les jambes et les bras nus. Elle entra dans une colère délirante,