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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/344

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MÉPHISTOPHÉLA

entre l’œuvre et l’auteur, on reconnut dans la délicate et frêle hamadryade la ressemblance de Silvie. L’autre, d’une pâleur mate, à la bouche comme sanglante, c’était la baronne Sophor d’Hermelinge ; on eût dit voir marcher, en robe de printemps, le jeune faune lui-même ou la virile faunesse.

Sous le jour clair, l’atelier de Silvie Elven, pas trop vaste, était joli ; tout colorié de japonaiseries, et chatoyant de verrotteries où étincelait la lumière. Aux murs, accrochés comme des sultanes pendues, des satins d’Orient, or et chamarrures, remuaient quelquefois sous le vent du vitrage ouvert ; et, glissantes de la chaise-longue, des fauteuils, du piano d’ébène incrusté d’étain, des mousselines lamées d’argent frôlaient des peaux d’ours blancs de qui la fourrure était douce aux pieds nus. C’était là que Silvie Elven, guère plus vêtue qu’à l’heure du lever, les épaules et les bras hors d’une chemise de soie crème serrée d’une ceinture de métal, peignait tout le jour, assise devant le chevalet, et la fumée de la cigarette au coin de la bouche montant vers les boucles presque pas dorées de ses cheveux, légère fumée aussi ; tandis que la baronne Sophor d’Hermelinge, en une longue robe de drap sombre, froc plutôt que robe, lisait, étendue