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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/347

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MÉPHISTOPHÉLA

dité de la tourmenter jusqu’à l’extrême plaisir, renonça vite à son dessein, attendrie de la voir poser sa tête aux yeux mi-clos sur l’épaule d’une amie et rester là, la bouche entr’ouverte d’un sourire, contente de la câlinerie d’une haleine vers ses lèvres sous des cheveux mêlés aux siens. Et, tout près du crime, Silvie Elven n’avait pas peur, sachant qu’elle ne s’y jetterait jamais, sûre que personne n’aurait la cruauté de l’y pousser ; si heureuse au bord. Mais, en voyant la baronne Sophor d’Hermelinge, elle se troubla, entendit en elle-même comme un conseil de fuir. Cette femme, dès les paroles banales de la première visite, l’enveloppa d’un regard qui menace en caressant, qui ordonne et veut être obéi. Hélas ! celle-ci ne lui serait pas douce comme les autres, ne voudrait pas demeurer pareille à une tendre sœur caressante ; nul espoir d’être épargnée ! et elle sentait, sous ces fixes prunelles, violentes, aiguës, pénétreuses, qu’elle ne leur résisterait pas, qu’elle se soumettrait avec les plaintes vaines d’un petit oiseau que charme une couleuvre. Une ressource : l’éconduire cette fois, ne plus la recevoir désormais. Mais, malgré des efforts, Silvie ne pouvait se résoudre à ce qu’elle jugeait indispensable. Cette beauté un peu farouche, avec le rouge velouté des lèvres et la ty-