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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/374

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MÉPHISTOPHÉLA

extraordinaire comme on change ! ça la dégoûtait, ça lui donnait envie de vomir, les femmes, parce qu’on la payait pour s’amuser avec elles ; et puis aussi parce qu’elle n’en pouvait plus à la fin, de s’être tant esquintée dans le temps. Et elle ne se rappelait pas les caresses de Sophor, ni leurs baisers. Si elle y avait songé, elle aurait chassé ce souvenir. Ce qu’elle voyait, en fermant les yeux, le nom de la très chère aux lèvres, c’était quelque chose de clair, de doux, de consolant ; dans le noir où elle était, elle se tournait vers son ancienne amie, comme vers de la lumière. Cette tendresse ressemblait à de la dévotion. Il lui arrivait quelquefois, dans ses pires ennuis, de répéter le nom de Sophor, avec des mots louangeurs et fervents, comme on réciterait les litanies d’une sainte. À cette petite âme obscure, qui n’avait jamais discerné nettement le bien d’avec le mal, portée à croire que tout ce qui est joli ou brillant est honnête, que ceux qui sont heureux sont dignes d’estime et d’admiration, Sophor si belle et si magnifique apparaissait comme une divinité, d’autant plus radieuse que Magalo l’adorait du fond de plus d’ombre et de honte. L’espérance de la revoir lui faisait cligner les yeux, comme l’idée d’un soleil qui va se lever. Lorsque, dans