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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/440

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MÉPHISTOPHÉLA

serrent le bout des doigts, furtivement, sous la table, au réfectoire. Elle avait possédé, elle possédait Silvie ; mais, du lit de Céphise, elle rapportait des ardeurs lasses à ne pas briser l’autre ; Céphise était employée à épargner, — trop peu, — sa rivale ! Une telle fureur l’emportait que si Mlle Elven avait paru tout à coup, elle se serait jetée dessus, sans parole, l’aurait renversée sur le tapis, étouffée d’un genou sur la poitrine.

Sur-le-champ sa résolution fut prise. Elle irait chez Silvie, lui lancerait à la face des injures, l’obligerait à des aveux, et si la coupable ne demandait pas pardon, ne jurait pas de ne jamais revoir Mme d’Hermelinge… Céphise Ador s’habilla très vite, descendit, monta dans un fiacre. Elle avait emporté le joli poignard, dérobé chez Sophor, dont le manche s’ornait d’une tête de mort aux yeux de rubis.

Dans la voiture, elle pensait, avec un peu plus de calme. Sa jalousie ne s’était pas apaisée ; comme tout à l’heure, elle était convaincue d’avoir été trahie et bafouée ; mais, enfin, elle n’avait pas de preuves. Une certitude, oui ; des preuves, non. Il lui en fallait cependant pour confondre la petite hypocrite. De sorte que, maintenant, elle hésitait, se demandait ce qu’elle allait