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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/486

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MÉPHISTOPHÉLA

Sophor l’avait reconnue. D’instinct, elle s’écarta, faillit prendre la fuite. Mais elle se méprisa à cause de cette peur ; elle se retrouva près de la haie juste à temps pour entrevoir la disparition d’une blancheur de robe vers une clarté, au loin, sous un arc de rameaux frêles. C’était là-bas, de l’autre côté du parc, que la table devait être mise. Elle marcha vite, le long de la haie, tourna, tourna encore ; elle fit halte. Elle entendait des bruits de cuillères et d’assiettes. Les branches écartées, elle distingua cinq ou six convives autour d’une nappe, sous les globes de deux lampes où se heurtaient des phalènes ; une fumée sortait d’une grande soupière en faïence.

Elle vit Emmeline.

Elle renversa la tête en arrière, très vivement, parce qu’en se précipitant elle avait déchiré son visage aux épines ! Mais elle se rapprocha, et elle regardait, regardait toujours, haletante.

Les dîneurs avaient grand faim. D’abord ils ne parlèrent pas. Ils se penchaient vers la table, la cuillère pleine allant de l’assiette à la bouche, redescendant de la bouche à l’assiette ; on entendait les bruits gras de la soupe entre les joues gonflées. Cela donne appétit, l’air de la campagne. Le baron Jean dit dans un gros rire : « Ma foi, je reprends du potage. » Il avait en-