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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/495

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MÉPHISTOPHÉLA

quise forme étendue sur le lit de la maison dans l’île, aurait ce sein hideux ! et si, dans quelque chimère, elle se penchait vers la gorge où trembla l’ombre d’un cheveu d’or, ses lèvres d’amante y rencontreraient la compétition d’une petite bouche grasse, qui a soif. De sorte qu’une abominable raillerie du destin salissait l’unique blancheur, lointaine, dont s’autorisait hier encore son illusion de ne pas être irrémédiablement ténébreuse ; et sa nuit, qui n’espérait pas d’aurore, n’avait même plus cette petite étoile.

Une autre idée la poignait, dont elle ne pouvait se défaire, qu’elle subissait comme on a un cauchemar sur la poitrine : Emmeline était heureuse. Jalousie ? non certes. Malgré les dégoûts de la récente vision, elle gardait à son amie d’enfance une affection très tendre ; ce qui la navrait, ce n’était pas le bonheur d’Emmeline, c’était l’espèce de ce bonheur. Heureuse, à cause de la vie de famille, — à cause d’un mari, d’un frère, de trois enfants déjà grandis, et d’un petit qui tète ! heureuse pour avoir obéi aux lois banales de l’existence, pour avoir fait ce que font toutes les femmes ! heureuse d’avoir été, d’être une honnête et simple créature ! Il semblait qu’une volonté inconnue imposât à Sophor, en même temps que