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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/534

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MÉPHISTOPHÉLA

pont, dans le fleuve. Il est bien aisé encore de recourir à quelque poison prompt et sûr : Mme d’Hermelinge, qui demandait aux drogues interdites l’exaspération ou l’assoupissement, avait toujours à sa portée — quelques gouttes de plus — la possibilité de mourir.

Pourquoi donc ne s’évadait-elle pas de l’odieuse vie ? ce serait si bon, après quelques minutes d’agonie, l’éternelle inconscience ! ah ! si bon.

Elle n’osait pas.

Pas plus que la force de vaincre l’Ennemie, — l’exécrable Ennemie qui lui ricanait dans l’oreille, — elle n’avait celle de lui échapper par la fuite en l’ombre funéraire. Elle était si absolument alanguie, affaiblie, énervée, qu’elle n’osait pas mourir. Oh ! ce qui la retenait dans l’existence, ce n’était pas l’amour des choses d’ici-bas. Hélas ! vivre, rien de plus abominable ! Mais elle n’était pas capable de ce peu d’énergie qu’il faut pour se précipiter, ou pour avaler l’eau d’un verre, qui a changé de couleur ; et, surtout, surtout, elle avait peur d’être morte ; peur de l’enfer, des châtiments, des supplices ? non, peur de ne plus éprouver, de ne plus souffrir, d’être inexistante. Ce Qu’elle jugeait si doux, si désirable, c’était précisément ce qu’elle redoutait en un