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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/566

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MÉPHISTOPHÉLA

trop de hâte, d’un pas ferme, pareille à quelqu’un qui sait où il va, et qui arrivera, malgré tout obstacle.

Dans la chambre, Carola dormait encore. Sophor, sans la toucher, en la nommant, l’éveilla ; elle se tenait près de la fenêtre, loin du fauteuil. Elle ajouta : « C’est l’heure, venez. » L’enfant se leva, empressée, offrit son front ; mais Sophor : « Nous n’avons pas de temps à perdre, allons ». Elles sortirent de l’hôtel, traversèrent une place, entrèrent, après les billets pris, dans la salle d’attente. Elles n’échangeaient pas une parole. Surprise, épouvantée de l’air froid, presque sinistre, qu’avait sa mère, Carola n’osait pas lui parler ; elle s’isolait, les yeux baissés, dans une appréhension. Et, durant le voyage, ce fut le même silence. Assise un peu loin de Carola, Mme d’Hermelinge, le front à la vitre, regardait la nuit. Parfois, sous la lueur de la petite lampe, elle consultait un indicateur des chemins de fer ; puis elle revenait vers son coin, restait là, attentive aux ténèbres. La pensionnaire avait cette impression qu’il se passait quelque chose de triste, de mauvais, — qu’il valait mieux ne pas bouger, se taire ; si elle s’était approchée, caressante, si elle avait parlé, elle eût été repoussée sans doute, d’un geste dur, d’un mot qui glace. Une