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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/59

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MÉPHISTOPHÉLA

torpeur, lentement, avec un haussement peu à peu de la paupière, et une hésitation de sa main, sur le tapis, vers Emmeline ; puis, tout à coup, de l’avoir touchée, elle revivait ardemment, et secouant, avec une fierté de petite bête fauve qui aurait déjà une crinière, tous ses courts cheveux drus, elle parlait, après avoir relevé Emmeline vers l’image sacrée ! Quelles paroles ? presque un conte qui serait un religieux poème ; à des futilités d’histoires enfantines se mêlaient des emportements de dévotion : elles iraient au ciel par la grâce de la sainte Vierge, elles y seraient transportées un beau jour, après avoir été bien sages et avoir bien prié, en un magnifique carrosse d’or attelé de douze grands chevaux blancs ouvrant de grandes ailes ; et, là-haut, ce serait très amusant ; même les palais bâtis par les enchanteurs ne sont pas aussi splendides que le paradis du bon Dieu. Elles entendraient des musiques comme on n’en a jamais entendu sur la terre, des musiques faites avec de la clarté sonore ; et elles auraient une maison bâtie de diamants et de perles, dont les fenêtres ouvriraient sur cette grande route blanche qui est la plus fréquentée du ciel et qu’on appelle le chemin de Saint-Jacques. Oh ! elles recevraient beaucoup de visites