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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/79

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MÉPHISTOPHÉLA

comme fondante de vieillard obèse, — la face énorme et molle, où des yeux sans vie, longs, des yeux de Tartare, presque fermés, mettaient une ligne jaune entre la bouffissure blafarde des paupières, où une langue pâle comme une viande exsangue pendait vers le menton glabre, — le comte Tchercélew, dans un coin, ressemblait à un éboulement de chair ; et il tenait la fillette assise sur une de ses larges cuisses ; de ses doigts, très courts, très fins, tout menus, sortant d’une paume démesurément grasse et large, il peignait lentement, comme des dents pointues d’un démêloir, toute la longueur déroulée des cheveux de l’enfant. Quelquefois, la ligne jaune de son regard — comme les yeux d’une bête gourmande qui lape, — s’éteignait tout à fait sous des rides de graisse.

À Saint-Pétersbourg, Phédo fut pendant très longtemps, dans la maison Tchercélew, une espèce de petite bête familière à qui l’on fait faire des tours. Elle montait sur la table à la fin des soupers, pour amuser les convives ; et elle dansait en chantant des chansons, entre les verres et les bouteilles, tantôt garçonnet, tantôt fillette. Ce fut une des préoccupations du vieux comte, d’imaginer des travestissements qui rendraient plus piquantes les chansons et les danses de