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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/81

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MÉPHISTOPHÉLA

résidence. Pétersbourg, sans doute, ce n’est pas Paris ; elle s’y ennuyait joliment, même les jours de danse sur la table. Pourtant une grande ville, avec des gens à peu près civilisés. Et maintenant qu’elle était femme, — sa tante, ayant de la suite dans les idées, lui faisait encore porter des jupes courtes — cela ne lui déplaisait pas d’avoir çà et là quelque caprice, les soirs où le comte, par ordonnance du médecin, observait la diète, pour un étudiant qui l’emmenait boire dans un traktir, ou pour un officier qui lui offrait à souper dans un restaurant à la mode. Ces soirs-là, elle se déshabillait, tout à fait, avec plaisir. Même lorsqu’elle n’a ni cœur ni sens, même lorsque toutes les forces vives de son être s’atrophièrent dans le surchauffement des précocités, une femme ne peut éviter d’éprouver, à un moment, quelque chose qui ressemble à de l’amourette ou à du désir. « C’est la nature qui veut ça, disait Mme Sylvanie, indulgemment, mais ça ne dure guère. » Ça durait encore chez Phédo ; l’idée d’aller s’enterrer dans un pays de sauvages lui était insupportable. Pour un peu, elle aurait fait ses malles, s’en serait retournée à Paris. Par bonheur, la tante était là, qui n’avait encore amassé que cent quarante ou cent cinquante mille roubles et comptait sur un legs