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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/90

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MÉPHISTOPHÉLA

Alors Mme Sylvanie sauta au cou de sa nièce ! Ce résultat : être enceinte du comte — du comte Stéphan, toujours cloué dans son fauteuil, paralysé des jambes, presque paralysé des bras, n’ayant de vie, semblait-il, que dans ses yeux et dans son rire spectral, — révélait un tel prodige de patiente volonté et de complaisances subtiles, et, pendant quelque absence des valets, d’adroite soudaineté, impliquait, en un mot, tant d’impossibilité vaincue, qu’elle pleurait et sanglotait de joie comme une femme qui apprendrait tout à coup quelque inouï héroïsme d’un enfant où elle aurait mis son orgueil ! Phédo, mère d’un rejeton des Tchercélew, peut-être d’un fils continuateur de la race, quelle glorieuse et utile aventure ! l’héritage assuré.

Mais il se passa une chose terrible.

Le jour où, dans la grande salle mal éclairée d’une obscure lampe, en présence du seul Luberti qui avait approuvé et admiré la conduite de Phédo, Mme Sylvanie, tenant par la main sa nièce rougissante, s’avança vers l’infirme, commença de lui faire, non sans modération, quelques honnêtes reproches d’avoir abusé, lui, le maître, de l’innocence d’une personne si longtemps irréprochable, ce jour-là, à cette minute, dès qu’il eût compris de quoi on lui parlait, le