Page:Mercœur - Œuvres complètes, I, 1843.djvu/146

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j’ai choisi des vers qu’elle adressa à l’ange de l’Abbaye-aux-Bois [1].

Un bonheur n’arrive jamais seul, dit le proverbe, et le proverbe a, je crois, raison. Hélas ! pourquoi faut-il qu’il en soit ainsi du malheur !…

À voir l’enthousiasme qu’excita l’apparition du volume d’Élisa, l’empressement des journalistes à faire l’éloge de son talent poétique, citant comme pour venir à l’appui de ce qu’ils

    du petit Devéria : « Qu’allez-vous faire ! on ne touche pas à ça, » m’avertit assez à temps de l’erreur dans laquelle m’avait jetée le talent de l’artiste pour m’empêcher de gâter son chef-d’œuvre. Je n’avais donné à M. Devéria que le seul croquis des traits d’Élisa, et elle m’apparaissait telle qu’elle était lorsqu’elle allait dans le monde dans un des costumes qu’elle affectionnait le plus (*), et dont mes mains l’avaient si souvent parée. Je passai donc de l’illusion à la réalité, et j’admirai !… Et ce fut en face de cette image si chère, qu’une lampe éclaira toute la nuit, et devant laquelle, comme devant une sainte Madone, je m’inclinai tant de fois, Dieu me pardonne cette adoration, elle fut involontaire, que, malgré la défense de M. Devéria, je pris la plume et lui parlai de ma reconnaissance. Je ne sais, tant j’étais émue, dans quels termes je la lui exprimai, mais il paraît qu’il fut satisfait du langage de mon cœur ; car, non content de ce qu’il a fait pour moi, M. Devéria a voulu y ajouter en souscrivant aux Œuvres de la jeune fille dont son habile crayon a rendu les traits avec un si rare bonheur… Je n’en saurais douter, la grandeur de l’âme égale celle du talent.

  1. Madame Récamier.
(*) Elisa a été vue souvent dans les salons avec le costume qu’elle a dans son portrait, le voile seul a été ajouté pour faire tableau.