Page:Mercœur - Œuvres complètes, I, 1843.djvu/388

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Honte à cet insensé qui dans l’exil succombe ;
Honte à qui n’a jamais respiré d’air nouveau ;
Je m’éloigne joyeux, qu’importe que ma tombe
          Soit près ou loin de mon berceau !

N’attends pas, sol natal, qu’un regret me dévore ;
Sans pleurs je pars, lassé de tout ce que j’aimais.
De mon hymen d’adieu je te salue encore,
          Soit pour un temps… soit pour jamais.

Mon cœur ne battra pas de tristesse ou d’alarme ;
Que lui fait du passé l’importun souvenir ?
Quand je ne laisse, hélas ! rien qui vaille une larme,
          Ou qui soit digne d’un soupir.

Pourtant j’ouvris les yeux où l’homme est fier de naître.
Où de la liberté s’élève encor l’autel :
Seule, après moi, mon âme y reviendra peut-être,
          Si l’âme redescend du ciel.

Mais le vent tour à tour obéit et menace ;
Bondis, ô mon vaisseau, noble coursier des mers !
Le natal horizon dans le lointain s’efface ;
Je n’ai plus, voyageur des mobiles déserts,
Que l’Océan et toi, ma pensée et l’espace :
Bondis, ô mon vaisseau, noble coursier des mers !


(Octobre 1828.)