Page:Mercœur - Œuvres complètes, I, 1843.djvu/535

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Je la devrais punir, cette indigne fierté,
Qui se heurte aujourd’hui contre ma volonté,
Je ne m’occupe pas de ta reconnaissance ;
Mais, j’ai parlé : j’ai droit à ton obéissance,
Et tu sais maintenant l’ordre de Boabdil.

ABENHAMET.

Je le subirai donc, cet exécrable exil !
Oui, je vais y pleurer la perte de ma gloire ;
Pour supplice au désert j’emporte ma mémoire.
Je vais partir ; adieu, vous qu’aux champs de l’honneur
Tant de fois j’ai guidés, quand je marchais vainqueur ;
Vous qu’un premier revers, lorsqu’il me déshonore,
Me rend indigne, hélas ! de commander encore.
J’ai flétri dans un jour vos lauriers et les miens ;
C’en est fait, ma défaite a brisé nos liens.
Et toi, Grenade, adieu, toi, ma belle patrie !
Qu’Abenhamet toujours dans son âme a chérie ;
Toi, qui m’as vu superbe au temps de mon bonheur ;
Toi, qu’il me faut quitter au jour de la douleur.
Que j’aimais de l’amour que l’on a pour sa mère.
Loin de ton beau pays j’emporte ma misère.
On me défend de vivre et d’expirer pour toi !…
Que tes autres enfans soient plus heureux que moi !
Et vous, dignes soutiens du nom d’Abencerrage,
Quand de mes jours affreux la honte est le partage,
Ne songez plus à moi ; ne vous informez pas
Sous quel ciel, dans quel lieu, j’irai cacher mes pas.
Je ne mérite, hélas ! vos regrets ni vos larmes ;
Repoussez ma mémoire, oh ! mes compagnons d’armes !
À vos cœurs fraternels j’adresse un dernier vœu :
Que je sois mort pour vous, que l’on m’oublie ! Adieu.