Page:Mercœur - Œuvres complètes, I, 1843.djvu/560

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ZORAÏDE.

                                                Oui, soyez sans pitié,
Versez-le, tout ce sang que ma main a payé.
Vainement à la mort j’aurai cru vous soustraire ;
Expirez à mes yeux, et comblez ma misère.
Quoi ! le malheur vous trouve abattu sous ses coups !
Faible femme, j’ai donc plus de force que vous !
j’ai pu ne pas mourir, et vous ne pourriez vivre !
Quoi ! le fier Boabdil lui-même vous délivre,
C’est lui qui, de vous deux, seul est juste aujourd’hui,
Et vous êtes pour moi plus barbare que lui !
Soyez-le, mais sachez que moi-même frappée,
De cette arme fatale à vos mains échappée,
Sans la tombe avec vous je descends à l’instant.
Si vous l’osez encor, frappez-vous, maintenant.
Voilà votre poignard.

(Zoraïde rend le poignard à Abenhamet.)
ABENHAMET, hésitant à reprendre le poignard.

                                          Quelle est donc ta puissance ?
D’où vient que cette main et frémit et balance ;
Que, par un mot de toi, mon bras est arrêté ?
Tu m’aimes, Zoraïde ?

ZORAÏDE.

                                          En avez-vous douté ?

ABENHAMET, avec passion, et rejetant le poignard qui va tomber à côté d’Aly, qni le ramasse et exprime par son geste une grande satisfaction.

Non ! je n’en doute pas ! nos deux cœurs sont les mêmes ;
Le mien interrogé me répond que tu m’aimes.
Eh bien ! assez hardis pour oser être heureux,
Oublions l’univers et vivons pour nous deux !
Viens, suis-moi, loin, bien loin. Pourvu qu’il nous rassemble,
Qu’importera l’asile où nous serons ensemble ?
Toute terre est féconde, et tout ciel parfumé,
Dans les lieux où l’on aime, où l’on se sent aimé.