Page:Mercœur - Œuvres complètes, I, 1843.djvu/65

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plongée dans un profond sommeil ; comme nous espérions la trouver encore endormie à notre retour, nous primes les plus grandes précautions pour ne pas la réveiller ; mais quelle fut notre surprise de l’entendre parler d’une voix très élevée et tout à coup s’écrier fortement en frappant dans ses petites mains, bravo, bravo, bravo ! Ne sachant ce que cela voulait dire, nous nous glissâmes doucement derrière un paravent qui masquait la porte de ma chambre et qui, par conséquent, l’avait empêchée de nous voir entrer ; nous nous haussâmes sur la pointe des pieds pour tâcher d’apercevoir ce qui la faisait parler avec tant de véhémence. Nous la vîmes, debout sur le lit, le manteau tragique sur l’épaule [1] et déclamant la tragédie du Roi Léar. Lorsqu’elle eut fini sa tirade, nous criâmes à notre tour, la bonne et moi, bravo, bravo, bravo, et je fus ensuite près d’elle pour apprendre comment, en si peu de temps, ma chambre s’était transformée en salle de spectacle [2], mon

  1. C’était ma camisole de nuit qui lui servait de manteau. Il était facile de voir par la manière dont elle s’était drapée qu’elle avait vu jouer la tragédie. Je l’avais menée à deux représentations, l’une de Sylla, et l’autre d’Andromaque.
  2. J’ai pensé que le lecteur ne serait pas fâché que je lui fisse une description de la salle de spectacle dans laquelle Élisa faisait