Page:Mercœur - Œuvres complètes, I, 1843.djvu/665

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Que, comme un feu mortel, le cœur ne s’éteint pas,
Et que l’on aime aux cieux comme ou aime ici-bas.

HASSAN.

Dans l’asile suprême, oui, nos pensers nous suivent ;
Mais comme nos vertus, nos remords nous survivent.
Ah ! des biens passagers détachons notre amour :
On voit de grands palais s’écrouler en un jour ;
Du bonheur tombe ainsi le fragile édifice.
Plus d’un buisson de fleurs nous cache un précipice.

JANE.

Mon père, quoi ! faut-il que ma jeune raison
Cherche quelque nuage au lointain horizon ?
Faut-il, quand je n’ai vu que l’aurore de l’âge,
Trembler que vers le soir il éclate un orage ?
M’effrayer de l’hiver quand je suis au printemps ?
Oh ! non, je suis heureuse, et n’ai pas peur du temps.
Oh ! non…

HASSAN.

                  Comme au matin toute existence est belle !
On ne croit qu’au bonheur quand la vie est nouvelle.
Quand j’étais jeune aussi, comme vous j’y croyais ;
Mes jours calmes et purs s’écoulaient tous en paix.
J’ai comme vous crédule, enivré d’espérance,
Long-temps fier de mon sort, défié la souffrance.
Elle vint cependant, elle m’a détrompé
Comme un adroit esclave à sa chaîne échappé ;
J’ai chassé loin de moi tout prestige éphémère,
J’ai cherché dans les cieux un flambeau tutélaire,
J’ai rejeté l’erreur, j’ai trouvé la raison,
J’ai reçu du malheur ma première leçon.
À sa terrible école, il vous attend sans doute ;
Mais à peine avez-vous commencé votre route.