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L’AN DEUX MILLE

si belle & si touchante, qui peut & qui doit même être l’ouvrage de l’homme raisonnable.

En effet, pourquoi nous seroit-il défendu d’espérer qu’après avoir décrit ce cercle extravagant de sottises autour duquel l’égarent ses passions, l’homme ennuyé reviendra à la lumière pure de l’entendement ? Pourquoi le genre humain ne seroit-il pas semblable à l’individu ? Emporté, violent, étourdi dans son jeune âge ; sage, doux, modéré dans sa vieillesse[1]. L’homme qui pense ainsi, s’impose à lui-même le devoir d’être juste.

Mais savons-nous ce que c’est que perfection ? Peut-elle être le partage d’un être foible et borné ? Ce grand secret n’est-il pas

  1. Le monde n’auroit-il été fait qu’en faveur d’un si petit nombre d’hommes qui couvrent actuellement la face de la terre ? Que sont tous les êtres qui ont existé en comparaison de tous ce que Dieux peut créer ? D’autres générations viendront occuper la place que nous occupons ; elle paroîtroit sur le même théâtre ; elles verront le même soleil, & nous pousseront si avant dans l’antiquité qu’il ne restera de nous ni trace, ni vestige, ni mémoire.