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Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/25

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QUATRE CENT QUARANTE.

& que je m’éveillois[1]. Je me levai, & je me trouvai d’une pesanteur à laquelle je n’étois pas accoutumé. Mes mains étoient tremblantes, mes pieds chancellans. En me regardant dans mon miroir, j’eus peine à reconnoître mon visage. Je m’étois couché avec des cheveux blonds ; un teint blanc & des joues colorées. Quand je me levai, mon front étoit sillonné de rides, mes cheveux étoient blanchis, j’avois deux os saillans au dessous des yeux, un long nez, & une couleur pâle & blême étoit répandue sur toute ma figure. Dès que je voulus marcher, j’appuyai machinalement mon corps sur une canne ; mais du moins je n’avois point hérité de la mauvaise humeur trop ordinaire aux vieillards.

En sortant de chez moi je vis une place publique qui m’étoit inconnue. On venoit d’y dresser une colonne pyramidale qui attiroit les regards des curieux. J’avance, & je lis très-distinctement : L’an de grace MM.IVC.XL. Ces caractères étoient gravés sur le marbre en lettres d’or.

D’abord je m’imaginai que c’étoit une erreur de mes yeux, ou plutôt une faute de

  1. Il n’est que d’avoir l’imagination fortement frappée d’un objet, pour se le retracer pendant la nuit. Il y a des choses étonnantes dans les rêves. Celui-ci, comme on le verra par la suite, est assez bien conditionné.