Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/269

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Ensuite les poëtes venoient les féliciter d’avoir effrayé les oiseaux du ciel à dix lieues à la ronde et d’avoir sagement pourvu à la curée des corbeaux : surtout ces poëtes se plaisoient fort à décrire une bataille. — Ah !

    bre ; elle est publique, elle est ouverte, elle se traite par ambassadeurs. Nos plaintes n’arrivent plus jusqu’à leurs superbes oreilles. Jettons un coup d’œil sur l’Europe : elle n’est plus qu’un vaste arsenal où des milliers de barils de poudre n’attendent pour prendre feu qu’une légere étincelle. Souvent c’est la main d’un ministre étourdi qui cause l’explosion. Elle embrase à la fois le Midi, le Nord, les deux bouts de la terre. Combien de pièces de canons, de bombes, de fusils, de boulets, de balles, d’épées, de bayonnettes, &c. de marionettes meurtrieres, obéissantes au fouet de la discipline, attendent l’ordre émané d’un cabinet pour jouer leurs parades sanglantes ? La géométrie elle-même a profané les divins attributs. Elle favorise les fureurs tour-à-tour ambitieuses, tour-à-tour extravagantes des souverains. Avec quelle précision on sait détruire une armée, foudroyer un camp, assiéger une place, incendier une ville ! J’ai vu des académiciens combiner de sang-froid la charge d’un canon. Eh ! Messieurs, attendez que vous ayez seulement une principauté. Que vous importe quel nom doit régner dans tel pays ? Votre patriotisme est une vertu fausse & dangereuse à l’humanité. Car examinons un peu ce que signifie ce mot patriotisme. Pour être attaché à un état, il faut être membre de l’état. Excepté deux ou trois républiques, il n’y a plus de patrie proprement dite. Pourquoi l’Anglois seroit-il mon ennemi ? je suis lié avec lui par le commer-