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Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/322

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sont égaux en foiblesse dès leur entrée dans ce monde, égaux en infirmités, égaux aux yeux de Dieu, que le choix du peuple est la seule base de leur grandeur ; on fait venir par manière de divertissement un jeune porte-faix de sa taille & de son âge ; on les fait lutter ensemble. Le fils du roi a beau être vigoureux, il est ordinairement terrassé, le porte-faix le presse jusqu’à ce qu’il avoue sa défaite. Alors on relève le jeune prince, on lui dit : « vous voyez qu’aucun homme par la loi de la nature n’est soumis à un autre homme, qu’aucun ne naît esclave, que les rois naissent hommes & non pas rois, qu’en un mot le genre humain n’a pas été créé pour faire les plaisirs de quelques familles. Le Tout-puissant même, selon la loi naturelle, ne veut point gouverner avec violence, mais sur des volontés libres. Vouloir rendre les hommes esclaves, c’est donc commettre une témérité envers l’être suprême, & exercer une tyrannie sur les hommes ». Alors le porte-faix, qui l’a vaincu, s’incline en sa présence, & lui dit : « je puis être plus fort que vous, & il n’y a ni droit, ni gloire en cela ; la véritable force est l’équité, la vraie gloire est la grandeur d’ame. Je vous rends hommage comme à mon souverain, dépositaire de toutes les forces particulières, lorsque quelqu’un voudra me tyranniser, c’est vous qui devrez voler à mon secours ; je vous