Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/353

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tate l’hydre abattue. Quelle histoire plus instructive que ces monumens moraux qui attestent que le souverain s’occupe véritablement de l’art de régner ! Ces intendans partent, arrivent incognito, font des informations secrettes, sont perpétuellement déguisés : ce sont des espions, mais ils agissent en faveur de la patrie[1].

— Mais votre contrôleur des finances est donc un homme bien intègre[2] ? Vous savez l’histoire de la fable : ce chien si fidèle qui, escorté de la tempérance, portoit le dîné de son maître sans jamais y toucher, a fini pourtant par en manger sa part dès qu’il s’y est vu invité par l’exemple. Votre homme auroit-il la double vertu de le défendre sans cesse, & de n’oser y toucher ? — Assurément, il ne fait bâtir ni palais ni châteaux. Il n’a point la rage de faire monter aux premières places ses arrière-petits-cousins, ou ses anciens valets. Il ne prodigue point l’or, comme s’il avoit en propre tous

  1. En Turquie & aujourd’hui en France un gouverneur est aussi maître que le roi le plus absolu : c’est ce qui fait la misère des peuples. Voilà la forme la plus malheureuse de l’administration civile.
  2. Fouquet disoit : « j’ai tout l’argent du royaume, & le tarif de toutes les vertus ».