Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/356

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ami. Il n’y a que ce sentiment qui puisse obliger un homme à se charger volontairement d’un tel fardeau ; & notre estime lui donne seule cette puissance momentanée. Récompensé, animé par l’amitié, il sait, comme les Sully & les d’Amboise, dire la vérité à son maître, & pour mieux le servir, l’irriter quelquefois. Il combat ses passions. Il chérit en lui l’homme autant qu’il a à cœur la gloire du monarque[1] : en partageant ses travaux, il partage la vénération de la patrie, l’héritage le plus honorable sans doute, qu’il puisse laisser à ses descendans, & le seul dont il soit jaloux.

— En vous parlant des impôts, j’ai oublié de vous demander si vous avez toujours parmi vous de ces loteries périodiques où, de mon tems, le pauvre peuple mettoit tout son argent ? — Non certes, nous n’abusons point ainsi de l’espérance crédule des hommes. Nous ne levons pas sur la partie indigente des citoyens un impôt aussi cruelle-

  1. La fidélité n’est pas cet attachement servile aux volontés d’un autre. On lui donne pour symbole un chien qui suit par-tout, flatte à chaque instant, & court aveuglement à tous les ordres d’un maître injuste ou barbare. Je crois que la vraie fidélité est une exacte observance des loix de la raison & de la justice, plutôt qu’un servile esclavage. Que Sully paroît fidèle quand il déchire la promesse de mariage qu’avoit fait Henri IV.