Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/370

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Je m’apperçus que chacun suivoit son goût, sans que personne y prêtât trop d’attention. Point de ces espions femelles qui se vengent par l’épiloguerie de la mauvaise humeur qui les ronge, & qu’elles doivent tant à leur laideur qu’à leur propre sottise. L’un conversoit, celui-ci déployoit des estampes, examinoit des tableaux, tel autre lisoit dans un coin. On ne formoit point un cercle pour se communiquer un baillement qui passoit à la ronde. Dans la salle voisine on entendoit un concert. C’étoient des flûtes douces mariées au son de la voix. L’aigre clavecin, le monotone violon le cédoit à l’organe enchanteur d’une belle femme. Quel instrument a plus de pouvoir sur les cœurs ! Cependant l’harmonica perfectionnée sembloit le lui disputer. Elle donnoit les sons les plus pleins, les plus purs, les plus mélodieux qui puissent flatter l’oreille. C’étoit une musique ravissante & céleste, qui ne ressembloit en rien au charivari de nos opéras, où l’homme de goût, où l’homme sensible cherche la consonance de l’unité, & ne la rencontre jamais.

J’étois enchanté. On ne demeuroit pas continuellement assis, cloués en la même posture dans des fauteuils, & toujours obligés de soutenir une conversation éternelle sur des riens pour lesquels on se livroit de graves disputes[1]. Les personnages les plus

  1. Dans les conversations ordinaires on éprouve