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Page:Mercier - L’Habitation Saint-Ybars.djvu/130

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CHAPITRE XXVI

Une machination scélérate



Il y avait plus d’une heure que Lagniape gémissait et appelait, lorsqu’elle fut recueillie par des nègres qui allaient, avec leurs charrettes, chercher du bois sur la levée. Elle se croyait aveugle pour toujours, elle était désespérée. Heureusement, à l’aide de soins assidus, elle devait échapper à ce malheur ; mais elle allait avoir à suivre un traitement de plusieurs semaines, pour recouvrer la vue entièrement.

La lettre était de Titia ; elle écrivait au jeune maître dont on l’avait séparée en la vendant. Elle l’aimait toujours ; de son côté il n’avait jamais renoncé à l’espoir de la racheter ; il travaillait et économisait pour cela. La lettre de Titia contenait beaucoup de choses. M. de Lauzun, pour la lire, alla s’enfermer dans sa chambre. Quand il eut fini, il se regarda dans la glace, se sourit et dit :

« Mon cher, vous êtes un habile homme ; Titia est à vous. »

Cependant, une difficulté grave s’opposait au triomphe de M. le duc ; comment profiter des secrets de Titia, sans trahir le stratagème abominable à l’aide duquel son Excellence les avait dérobés ? Mais une difficulté, quelque grande qu’elle fût, ne décourageait jamais M. de Lauzun. Il avait attrapé, au cours de ses lectures, une maxime de la Rochefoucauld dont il s’était fait une règle de conduite ; il la savait par cœur, et l’avait toujours présente à l’esprit :